La belle introduction de Devil In Disguise (peut-être inspirée par Asturias d'Isaac Albeniz) est séduisante et mystérieuse. On suit avec plaisir les méandres de ce chant ensorceleur qui évoque celui d'une messe noire.
Son mouvement de balancement perpétuel et sa fiévreuse animation entretenue par la guitare ont quelque chose d'enivrant. Cette étrange sensation s'évapore toutefois d'un coup lors des paroles "Don't ever try to fool me" et le saisissant contraste musical qui les accompagne.
La musique commence par charmer l'esprit en nous berçant de façon équivoque avant de nous tenir en alerte. Ce serait dommage de ne pas reconnaître la vraie nature du mal déguisé à l'intérieur.
Cette présence maligne que l'on cherche à nous faire ressentir en musique, exerce son influence sur l'harmonie et le rythme tout le long de la composition. Ici, c'est une façon d'exprimer avec des notes l'idée d'une séduction diabolique et vénéneuse. Les paroles qui l'accompagnent parlent de mensonges et de ressentiments. On trouve par exemple une allusion aux démêlés financiers d'Yngwie avec son "diabolique" ex-manager qui a profité de sa confiance.
Mais ce qui fait la force de cette composition centrée sur les frustrations diverses d'Yngwie et l'affirmation de sa clairvoyance, est aussi une allégorie du désir et des tensions amoureuses à mon avis.
Il existe une chanson d'Elvis Presley du même nom qui partage une thématique similaire. Mais elle est très éloignée de l'expression romantique développée par Yngwie, axée sur des incompréhensions mutuelles diverses et les déchirements violents qu'elles peuvent parfois occasionner.
You look like an angel
Walk like an angel
Talk like an angel
But I got wise
You're the devil in disguise
Oh yes you are
The devil in disguise
You fooled me with your kisses
You cheated and you schemed
Heaven knows how you lied to me
You're not the way you seemed
I thought that I was in heaven
But I was sure surprised
Heaven help me, I didn't see
The devil in your eyes
L'expressivité du solo trouve davantage sa source dans les larmes ("cry inside"), que dans la rage qui gronde en arrière plan. La guitare sanglote un peu, gémit souvent... Elle semble être plus blessée que combative. Elle illustre ici une forme de détresse musicale dans un environnement infernal (synthé jouant un accord dissonant, rythmique qui piétine devant deux accords contrariants). De la façon dont les notes défilent se dégage aussi l'idée d'une mélodie sous influence, comme droguée. Cette atmosphère est malsaine.
Les choeurs qui reviennent ensuite paraissent alors plus mélancoliques que sataniques. Les voix semblent être plus humaines.
Le second solo qui clôt la chanson est inhabituel pour Yngwie. Joué sur une guitare accordée plus grave, ce solo est un mélange séduisant de chromatismes et de tritons, certainement diabolique, probablement improvisé malgré tout, mais froid et déterminé cette fois-ci.
Malmsteen et Erika Norberg, sa femme à l'époque, ont écrit ensemble les paroles. On peut les considérer comme étant en partie le résultat d'un dialogue confessionnel entre eux deux. La musique alterne alors les sentiments, illustrant ainsi des sensibilités différentes qui s'affrontent par le biais d'idées musicales, vocales et littéraires opposées, y compris lors des solos.
L'utilisation d'un vocabulaire évoquant la recherche d'un réconfort, voire d'une consolation dans le cadre d'une relation intime de couple dans le couplet que je lie à Erika, me semble être trop marquée pour exprimer uniquement une rancune, ou bien la "trahison" de la part d'un ami proche (son ex-manager).
On pourrait certes imaginer que la blessure provoquée par le mensonge soit profonde, mais ça ne cadre pas avec le style habituel d'Yngwie. Mais pourquoi pas à la limite...
"I can't beat you, can't defeat you. You just make me cry inside" peut bien évoquer la douleur liée à la déception. Mais j'y vois davantage la marque d'un pouvoir de séduction et l'insurmontable désir que provoque cet énigmatique "diable déguisé", malgré les peines qui l'accompagnent. Quoi qu'il en soit, cela contraste fortement avec la confiance affichée d'Yngwie en ses propres ressources et la lucidité menaçante du refrain.
Ce "cry inside" qui s'étend musicalement et se fait bien entendre par la suite, ainsi que ce "Mend this broken heart" langoureux, sont loin de sonner comme les lignes vocales rageuses habituelles exprimant le désir de vengeance chez Yngwie. La musique est aussi chargée de sensualité.
Ce Diabolus in Musica attise la flamme d'un amour passionnel.
Au Moyen-Age, le "Diabolus in Musica" (le diable dans la musique) était le nom donné au triton. Cet intervalle dissonant (quarte augmentée ou quinte diminuée) engendre une tension dans la musique contrairement à une quarte (ou quinte) juste qui a un effet apaisant. Le triton fut "interdit" par l'Eglise dans la musique religieuse baroque. Yngwie utilise cet intervalle dans Devil in Disguise.
Extraits des paroles de l'album Eclipse :
Devil in Disguise :
Don't ever try to fool me
Cause I can see right through you
It's in your eyes
You are the devil in disguise
Hold me, feel me
Wound and heal me
Mend this broken heart
Though you're near me
You can't hear me
But you tear my soul apart
I can't beat you
Can't defeat you
You just make me cry inside
(...)
You lie, you steal, you hurt me
And soon did nothing to serve me
There is no doubt you're the Devil in disguise
(couplet probablement adressé à son ex-manager)
Bedroom Eyes:
By my nature I can tell who you are
Through all lies it's in your bedroom eyes
There's no innocence
In your bedroom eyes
Baby Baby
Got no self-defense
For your bedroom eyes
Save Our Love:
Once we were one
Now we're worlds apart
Deep inside you know you are my other heart
(...)
Crying from help from above
We've got to save our love
All these years. All our tears.
Still we sing the same old song
Let's make right all that went wrong